Le paradoxe de l’Ebre messinien.

Les seuils morphologiques conditionnent les échanges sédimentaires, aquatiques et fauniques entre les différents domaines. Ils constituent des facteurs cruciaux à prendre en compte dans l’évolution paléogéographique des sous-bassins durant la Crise de salinité messinienne (MSC – 5,97-5,46 Ma).

Nous nous concentrons ici sur le paradoxe de l’Ebre qui traite de la faible longueur inexpliquée à terre et sur la plateforme marine de l’Ebre messinien (<100 km) par rapport au Rhône messinien (~400 km) malgré des bassins versants actuels similaires.
La segmentation crustale et la subsidence différentielle par palier étudiée entre les domaines perché, intermédiaire et profond de Valence, Minorque et Liguro-Provençal (Pellen et al., 2016 ; Maillard et al., 2020), ont permis de mettre en lumière trois marches morphologiques (Km) contrôlant :

• le développement d’un système de vallées fluviales incisées long de plus de 270 km entre la chaîne catalane (Km1) et la zone de transition VB-MB (Km3) entre le bassin perché de Valence et le bassin intermédiaire de Minorque ;
• sous ces incisions, les dépôts détritiques associés se développant en rebord de plateau continental (Km2) et dans le domaine intermédiaire de MB (entre Km3 et Km4).

Notre étude favorise également une ouverture syn- ou pré-MSC du bassin (endoréique) de l’Ebre vers la Méditerranée. Un mécanisme d’érosion régressive localisé à des knickpoints successifs est proposé, évoluant avec de la chute du niveau marin messinien et permettant le développement du système complet de vallées incisées.

Le déplacement du couple Erosion-Dépôt est contrôlé par la morphologie et la segmentation par étapes pré-messiniennes dans les bassins de Valence, Minorque et Ligurie-Provence. En comparaison, le système du Rhône est caractérisé (1) en position avale par une seule marche morphologique majeure (en rebord du plateau continental) (Bache et al., 2009) et une pente continentale plus raide ; (2) en amont par un palier pouvant être héritée de la phase 1 de la crise. Les deux cas mettent en évidence la relation entre cinématique, segmentation et morphologie, chute du niveau de base et couple érosion/sédimentation, bien exprimée lors de l’événement exceptionnel de la Crise d’érosion et de salinité messinienne.