Article:
Géochronique, vol 151 , 18-23, September, 2019, Dossier ‘Méditerranée’, Invited papier.
Authors:
Jean-Pierre Suc, Jean-Paul Saint Martin, Simona Saint Martin, Speranta-Maria Popescu, Séverine Fauquette.
Abstract:
Le domaine méditerranéen s.l., espace marin tantôt plus vaste qu’aujourd’hui tantôt plus restreint, incluant la Paratéthys (fig. 1), mer adjacente épisodiquement marine, saumâtre ou lacustre, est un lieu exceptionnel pour l’étude du Cénozoïque supérieur. Avec un grand nombre de forages et de profils sismiques académiques ou industriels et sa richesse en affleurements de séries lacustres ou marines, souvent émergées dans les arcs insulaires passés ou actifs, le domaine méditerranéen est le terrain de prédilection de la bio-chronostratigraphie du Néogène et du Quaternaire. Dès son origine, l’espace marin comprenait seuils et détroits dont les mouvements ont réglé les migrations et l’adaptation des organismes marins et terrestres ainsi que leur diversité. La tectonique en a profondément modifié la physiographie jusqu’à s’apparenter à celle d’aujourd’hui vers 5 Ma (fig. 1). Secteur privilégié des latitudes moyennes, le domaine méditerranéen fut constamment au cours des derniers 23 millions d’années à la transition entre domaines humides au nord et domaines désertiques au sud. L’abondance de longs enregistrements sédimentaires finement datés favorise la restitution des environnements marins par la micropaléontologie (foraminifères, nannofossiles calcaires, ostracodes, kystes de dinoflagellés, diatomées) et par la géochimie comme celle des milieux continentaux par les grains de pollen (fig. 2). Plus limitée temporellement mais avec maillage spatial dense, la paléontologie et la paléobotanique complètent les restitutions environnementales et renseignent efficacement sur la biodiversité.

Figure 1. Principaux événements caractérisant la Crise de salinité messinienne.
A, Fluctuations du niveau marin méditerranéen tantôt équivalent du niveau océanique global tantôt distinct de celui-ci entre 6,1 et 5,1 Ma. A l’assèchement périodique et momentané des bassins périphériques méditerranéens (évaporites ; 5,971 à 5,62 Ma ; 1er stade de la crise), succéda la dessiccation quasi complète de la Méditerranée suivi de sa remise en eau progressive (dépôt de l’essentiel des évaporites dans les bassins centraux, surface d’abrasion) puis catastrophique (5,60 à 5,46 Ma ; 2e stade, paroxysmique, de la crise).
Illustrations d’évidences géologiques :
B, Gypses du bassin périphérique de Sorbas (1er stade de la crise) (sud-est de l’Espagne) – barre = 20 m. C, Cristaux de gypse de même provenance. D, Halite de la mine de Realmonte (Sicile) surmontant des sels de potassium (carnallite et kaïnite) – barre = 1 m ; quoique périphérique, le bassin sicilien était quelque peu plus profond que celui de Sorbas. E, Surface d’érosion messinienne illustrée par un profil sismique au large du Roussillon (2e stade de la crise). F, Profil sismique TGS-NOPEC dans le Golfe du Lion montrant l’épaisse couche de halite (2ème stade de la crise) – barre = 1 km. G, Profil sismique en mer devant Nice montrant la surface d’abrasion (remontée lente du niveau marin) surmontant les sédiments clastiques et la Surface d’érosion messinienne (fin du 2e stade de la crise).